Universitaire et homme politique kurde, Dr. Abdul Rahman Ghassemlou a joué un rôle éminent dans l’opposition contre le régime dictatorial de Reza Chah puis contre la République islamique qui lui a succédé en 1979 en confisquant la révolution populaire porteuse d’aspirations démocratiques.
Prônant pacifiquement un statut d’autonomie pour le Kurdistan dans le cadre d’un Iran démocratique et laïc, il a rassemblé autour de ce mot d’ordre l’ensemble des partis politiques kurdes et noué des liens avec des opposants laïcs iraniens en vue de la préparation d’une alternative démocratique au régime des ayatollahs. Celui-ci l’a rapidement désigné comme un ennemi à abattre. Dès août 1979, l’ayatollah Khomeiny a décrété le djihad (guerre sainte) contre les Kurdes iraniens qualifiés globalement d’«enfants de Satan».
Pour se défendre, le mouvement kurde a dû prendre le maquis et organiser la résistance armée, Dr. Abdul Rahman Ghassemlou dirigea la principale formation politique kurde, le Parti Démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), fondateur de la République kurde de 1946.
Sous sa direction, la résistance kurde s’employa à nouer des alliances avec d’autres forces et personnalités démocratiques iraniennes et chercher des soutiens au niveau international. Défenseur d’un socialisme démocratique, Dr. Ghassemlou fut rapidement adopté par l’Internationale socialiste. Il bénéficiait du soutien politique et moral des pays européens dirigés par des partis social-démocrates (France, Suède, Autriche, Espagne) ainsi que de nombreux intellectuels et hommes politiques occidentaux libéraux.
Son rayonnement international, sa vision politique et sa capacité à rassembler les oppositions démocratiques à la République islamique ont fait de lui l’ennemi public numéro 1 de Téhéran. A la mort de Khomeiny, le nouveau président iranien Rafsanjani a affirmé que le régime était disposé à régler pacifiquement la question kurde et à se démocratiser. Voulant donner une chance au dialogue Dr. Ghassemlou s’est rendu à Vienne (Autriche) afin d’y rencontrer les émissaires du président de la République islamique pour des « pourparlers de paix ». C’est au cours de ces « pourparlers » qu’il a été assassiné ainsi que deux de ses collaborateurs par des « négociateurs iraniens » le 13 juillet 1989.
30 ans après ce triple assassinat resté à ce jour impuni, l’Institut kurde, dont il fut un ardent défenseur, a invité ceux qui ont bien connu Dr. Ghassemlou à lui rendre un ultime hommage et à apporter leurs témoignages afin de transmettre aux nouvelles générations son message démocratique, ses valeurs humanistes et sa pensée politique qui reste d’actualité.
Les actes de ce colloque, tenu le 17 février 2020 au Palais du Luxembourg, siège du Sénat français, sont rassemblés dans ce numéro « hors série » de notre revue. Certaine interventions présentées sous une forme abrégée au colloque sont publiées in extenso, d’autres ont été éditées afin de réduire les répétitions.