[Article] le 28 Déc 2024 par

Avant-propos

Nous avons le plaisir d’éditer dans ce numéro 17 de la revue Etudes kurdes les actes du Colloque international « La diaspora kurde : Contexte historique, situation actuelle et perspectives d’avenir » organisé par l’Institut kurde de Paris au Sénat le 27 octobre 2023 à l'occasion du 40e anniversaire de sa fondation. Le colloque avait pour objectif de regrouper les spécialistes et les chercheurs pour offrir un espace de questionnement, de réflexion et d’échange sur la diaspora kurde dans toutes ses dimensions et sa complexité. Parallèlement aux chercheurs,
le colloque a également donné la parole aux acteurs de la diaspora, juristes, journalistes, députés, entrepreneurs, artistes, qui montrent l’éventail très large de ses membres intégrés pleinement dans la vie culturelle, sociale, politique et économique des pays d’accueil.
Les actes que nous publions dans ce numéro proviennent des interventions des chercheurs qui les ont retravaillées et proposées pour publication dans la revue Etudes kurdes. Les articles, qui ont été évalués par deux experts anonymes, se répartissent en quatre axes thématiques.
Le premier axe porte sur des études comparatives de la diaspora kurde avec d’autres diasporas. C’est dans ce sens que Michel Bruneau compare les Kurdes aux Palestiniens, Ouïghours et Tibétains, peuples sans État, dont la diaspora assure leur survie identitaire face aux États dominants et hostiles. Il montre notamment comment la plus grande diversité ethnoculturelle des Kurdes marque leur diaspora par rapport à d’autres peuples. Veysi Dag aborde pour sa part la diplomatie informelle des diasporas apatrides, en particulier les similitudes et différences entre les diasporas juives et kurdes en termes de stratégies et d’influences politiques. En analysant ces deux groupes, l’auteur met en exergue l’évolution de la diplomatie des diasporas en fonction de leur leadership, ressources, et relations géopolitiques. Cette approche comparative guide également l’article de Tony Rublon, qui étudie la question de l’administration des populations présentes dans deux camps de réfugiés, à Lavrio (Grèce) et à Maxmur (Kurdistan irakien), à l’intérieur duquel on trouve des Kurdes, des Turcs, mais aussi des Iraniens ou des Européens.
Le deuxième axe propose des études de cas de la diaspora kurde à travers plusieurs pays. Thomas Schimidinger illustre la diversité de la diaspora kurde en Europe à travers l’exemple autrichien, soulignant ses divisions politiques et culturelles. Rémi Carcélès met en lumière le rôle de la France, deuxième pays d’accueil de la diaspora kurde, dans la mobilisation kurde en Europe. Les liens entre la France et les Kurdes se manifestent par des dynamiques historiques et sociopolitiques qui ont renforcé la visibilité des revendications kurdes en France.
Le troisième axe aborde les contributions des membres de la diaspora kurde au renouveau de la langue et à l’économie de leur pays. Salih Akin illustre le rôle joué par les membres de la diaspora dans la revitalisation de la langue kurde, dans le contexte d’une résistance linguistique qui fait de la langue le marqueur le plus saillant de leur identité. Il montre comment les convergentes initiatives individuelles et institutionnelles de planification linguistique ont favorisé la documentation, l’élaboration des dictionnaires, des grammaires, des manuels didactiques, tout comme la modernisation et la transmission intergénérationnelle de la langue dans le contexte diasporique. Janroj Yilmaz Keles, Muslih Irwani, Necla Acik et Jiyar Aghapouri étudient de leur côté les retours au Kurdistan des membres de la diaspora, abordant les défis économiques, sociaux et culturels de ces retours et de leur réintégration. A partir d’une collecte et d’analyse des données effectuées au Kurdistan en 2021 et 2022, les auteurs éclairent les motivations des membres qui ont choisi de retourner dans leur pays et esquissent les politiques à mettre en place afin de faciliter le processus réintégration.
Enfin, le quatrième axe interroge les perspectives de la diaspora kurde à l’avenir. Dans un entretien réalisé par Lucie Dreschlová, Nazand Begikhani aborde les perspectives genrées de la diaspora, en mettant l’accent sur l’activisme féministe et sur ses capacités transformatrices. Östen Wahlbeck traite de la pertinence future du concept de diaspora dans le cas des communautés kurdes en Europe, en mettant en avant la valeur analytique du concept et en décrivant comment il a été utilisé pour étudier les communautés minoritaires ayant une histoire migratoire. En s’appuyant sur un grand nombre d’études antérieures sur la diaspora kurde, l’auteur met en lumière trois développements clés pertinents pour les communautés kurdes : l’évolution des schémas migratoires au fil du temps, l’identité collective des générations suivantes, et la signification changeante de la terre d’origine, trois évolutions interconnectées qui offrent des indications sur la mesure dans laquelle ces communautés continueront à afficher des caractéristiques diasporiques à l’avenir.