En dehors des liens familiaux et amicaux, de ma jeunesse à ma vieillesse, j’ai passé énormément de temps aux côtés du docteur Ghassemlou en tant que disciple et collaborateur.
En 1956, à Téhéran à l’époque où j’étais élève à l’Institut Dar al-Funoun, lui, était déjà un jeune homme d’une vingtaine d’années, grand, charmant, souriant et très aimable. On entendait dire qu’il venait de rentrer de Tchécoslovaquie. Le gauchisme était à la mode. J’étais à l’époque membre de l’Organisation de la Jeunesse du Parti démocratique du Kurdistan. Notre maison semblait servir de siège pour le Parti démocratique du Kurdistan et le Parti Toudeh d’Iran puisqu’à l’époque le Parti démocratique du Kurdistan était la branche kurde du Parti Toudeh d’Iran. Ghassemlou venait souvent à la maison pour nous voir.
Avec ses vastes connaissances dans le domaine de la politique, Abdul Rahman venait de rentrer de pays du socialisme. Il était pour moi un modèle. Un modèle qui influence aujourd’hui encore mes idées.
J’aurais préféré parler d’une autre époque que celle que l’on m’a indiqué. Mais les amis organisateurs de cette journée m’ont demandé de parler de l’époque entre 1973-1979. J’irai donc droit au but. Il faut souligner que mes combats politiques durant toute ma vie se sont toujours faits aux côtés des combattants du PDKI. Pendant cette période, nous nous sommes vus plusieurs fois. Il est arrivé que l’on se fasse nos adieux et que l’on se soit éloigné l’un de l’autre à cause des conditions politiques. Nos derniers adieux remontent à l’époque du coup d’Etat du Shah, j’étais avec le Dr. Mossadegh. Je crois que c’était en 1953. Cette séparation, commencée à Tabriz, a duré très longtemps. Lui est allé en Irak, ensuite de là-bas en Europe. Quant à moi, plus tard, quand je suis allé au sud du Kurdistan pour soutenir la résistance kurde de septembre 1961. Je l’ai revu une autre fois par hasard. Mais cette dernière rencontre après 17 ou 18 ans de séparation eut lieu au Sud du Kurdistan et à l’époque où l’accord allait être signé entre le mouvement de Barzani et le régime Baas présidé par Saddam Hussein. Selon cet accord signé le 11 mars 1970, le sud du Kurdistan devait avoir l’autonomie en Irak.
Lors d’une nuit pluvieuse, j’étais avec les poètes Hejar et Hêmin chez Mamosta Hêdi au siège du bureau politique du Parti démocratique du Kurdistan. Ghassemlou entra dans la pièce soudain avec deux amis. C’était une coïncidence incroyable. Je n’en croyais pas mes yeux. J’étais très content de le revoir. Nous avons passé cette nuit-là à rigoler et à plaisanter. Nous avons décidé de faire une réunion le lendemain matin. Mamosta Hêmin y a participé et a voté dans cette réunion car auparavant il avait été élu membre du comité central lors de la deuxième conférence du parti. Nous avons donc décidé sans hésitation de désigner Ghassemlou en tant que président du parti. Ainsi, nous avons plutôt parlé de la réorganisation et des réformes à mener dans le Parti. Nous devions résoudre deux grands problèmes du parti. L’un était le kyste et l’obstacle du parti Toudeh. Car nous avions des racines historiques et lointaines en commun dans le corps de nos partis respectifs. Ils considéraient le PDKI comme une branche kurde de Toudeh. Tandis que depuis 1958, dès la première conférence du Parti, nous avions déjà coupé tous les liens avec celui-ci. L’autre problème était la question de l’autonomie pour l’Est du Kurdistan et la démocratie pour l’Iran. Cela faisait longtemps que cette question n’était plus à l’ordre du jour. Aborder ces deux problèmes, nous ramenait parfois au bord du clivage et de la séparation. Mais la capacité et l’autorité de Ghassemlou a joué un rôle central dans la réunification des idées divergentes à ce propos. La troisième conférence du Parti était dans l’optique des efforts convergents pour résoudre les deux problèmes. La tranquillité et la sérénité interne furent le fruit de cette conférence. La décision prise à propos du parti Toudeh était : le PDKI n’a aucune relation officielle avec le Toudeh. Il n’a donc pas besoin de la permission de celui-ci pour déclarer son indépendance en tant que parti politique. Quant au deuxième problème, le congrès a confirmé que les Kurdes forment un seul peuple, le Kurdistan est aussi un seul pays et le PDKI fait partie de ses grands combats dans la région.
Durant la période 1973-1979, Ghassemlou a fondé des représentations du parti à l’étranger. Il a aussi fondé la branche du parti à l’étranger dont la plupart des membres était des étudiants de l’Est du Kurdistan à l’extérieur. Les activités les plus importantes menées pendant cette même période concernaient le projet de résistance militaire qui a été dirigé par un comité intitulé Comité Politique. Le Comité Politique regroupait les membres les plus importants de tous les autres comités du Parti. Ghassemlou était aussi membre de ce Comité. A partir de l’automne de 1979, ce Comité a commencé activement à travailler sur le plan militaire à l’Est du Kurdistan. Les fruits de ce comité, fondé par Ghassemlou, sont tellement innombrables qu’on ne peut les exposer en si peu de temps.
Ghassemlou était un expert en politique, clairvoyant, cultivé, orateur éloquent et drôle.